Des postes à responsabilités, intéressants, et à temps partiel : une utopie ? Pas selon notre expérience : nombreux sont les cadres qui choisissent de rejoindre notre vivier dans cette optique. Un choix qui rend bien service à nos clients… mais qui soulève encore beaucoup de questions. Alors, comment attirer et fidéliser des Talents experts ? Est-il possible d’être performant à temps partiel ? Comment maintenir confiance et engagement… ? Voici quelques réponses et éclairages.

manager flexiblePourquoi faire appel à des cadres à temps partiel ?

La première raison évoquée par nos clients reste l’accès à des compétences pointues et la possibilité de déléguer. J’ai toujours en tête la réaction de Jeanne, DG d’une Startup en pleine levée de fonds, au four et au moulin, tout étonnée et soulagée d’avance quand elle a réalisé qu’elle pouvait faire appel à un directeur financier 2 jours par semaine ! Oui, parfois, il est plus pertinent de s’adjoindre le soutien d’une personne d’expérience pour s’appuyer sur une expertise rassurante, penser plus loin et structurer à l’avance une croissance. Déléguer, c’est aussi optimiser le travail de chacun, permettre à un DG de se concentrer sur ce qu’il fait de mieux, d’avoir une vision stratégique globale plutôt que de remplir ses journées avec des sujets plus opérationnels (RH, communication, financiers, juridiques…). Si cela ne justifie pas un temps plein, pas de problème : il existe des personnes très compétentes et investies qui souhaitent travailler à temps partiel ! La deuxième raison, malgré la crise, reste la nécessité d’attirer et de fidéliser des Talents encore difficiles à trouver, au moins pour certaines fonctions. Nous avons encore entendu récemment chez un partenaire et client « les bons Talents restent au chaud dans leurs postes et les employeurs se débrouillent pour les garder ». La crise sanitaire a ajouté des exigences chez les Talents qui veulent plus que jamais donner du sens à leur engagement, et trouver une forme d’équilibre. Cette crise a aussi aidé à développer des outils de travail à distance qui peuvent largement faciliter le suivi des projets à temps partiel, autant en profiter !

A l’origine, Sébastien, expert-comptable, souhaitait recruter un collaborateur à plein temps, mais quand il a découvert la très compétente Aude, disponible à 4/5ème, et présente tous les jours (3 jours pleins et 2 demi-journées), il l’a accueillie dans son équipe et s’en félicite ! Une chance dans ce marché tendu.

Enjeux et freins

Le travail à temps partiel peut faire peur, le suivi et la continuité étant essentiels pour les équipes et les projets. Cela se gère, s’anticipe, se cadre ! L’exemple d’Emmanuelle est parlant : elle avait expliqué aux autres membres de son équipe (en déplacement 3 jours par semaine en moyenne), qu’au final, avec son 4/5ème, elle était beaucoup plus présente qu’eux ! Il faut savoir aussi qu’Emmanuelle a toujours eu à cœur d’être joignable en cas d’urgence, même pendant sa journée off. Il est vrai, cette disponibilité peut être à double tranchant : combien de cadres m’ont avoué avoir régulièrement des demandes de réunions et des appels pendant leurs jours non travaillés ! Là encore, un minimum de discernement s’impose : savoir faire la part de l’urgent et de ce qui peut attendre, accepter le coup de collier à donner pendant une période, quitte à prendre davantage de vacances ensuite…

En tant que managers, nous sommes d’ailleurs tous responsables de respecter le droit à la déconnexion de nos collaborateurs. Préparer un mail avec envoi retardé quand l’autre est absent, indiquer le niveau d’urgence, se caler à l’avance sur les moyens de communication utilisés selon les degrés d’urgence et les attendus en termes de délais.

Le temps consacré au management n’est pas à sous-estimer d’ailleurs. Temps d’écoute, de transmission, de cadrage… Il est parfois nécessaire de sanctuariser du temps pour d’autres responsabilités de manière à ne pas se laisser déborder.

Coach, Céline consacre des blocs de temps à ses coachings et formations, le management remplit aisément le reste du temps disponible, surtout en période de formation d’un nouveau collaborateur. Son conseil : garder 20 à 30% de son temps pour le travail qui ne peut pas être délégué, aux heures ouvrables tout de même, sinon, tout glisse vers des nocturnes.

Quoi qu’il en soit, la gestion du temps en équipe quand il y a du temps partiel, doit faire l’objet d’un soin particulier.
Pour garantir fluidité et efficacité, l’équipe d’Olivier a ajusté ses méthodes en faisant monter à bord pour la première fois une personne à temps partiel, Claire. Se discipliner pour donner des délais, préciser les attendus est devenu une règle. Au final, cette rigueur a pu profiter à toute l’équipe ! Ceux qui sont à temps partagé le disent : avoir d’autres engagements aide à structurer, envisager les priorités, dire non. Une bonne méthode reste aussi de prévoir dans son agenda… l’imprévisible si fréquent !

Pour assurer une continuité de service sur des temps très partiels, nous conseillons souvent à nos clients de définir des périodes de présence proactive et une enveloppe de temps perlé dans la semaine. Cela marche bien dans le cadre de prestations par des indépendants en particulier.

Alix, bras droit d’un dirigeant (une dizaine d’heures par semaine), est présente un jour sur place et effectue le reste de ses prestations à distance, à la demande, en fonction des besoins et de ses disponibilités. Parfois, une simple réponse de 30 secondes démêle une situation !

Pour les managers, l’enjeu est souvent de ne pas bloquer le travail d’une équipe. C’est une préoccupation que Philippine a toujours eue, en tant que DRH à temps partiel : ne pas laisser ses équipes en difficulté en son absence. Pour ce faire, il peut être rassurant et utile de permettre certaines communications pendant son absence, en cas de besoin. C’est surtout quelque chose qui peut se travailler en amont, en favorisant l’autonomie autant que possible. Cela tombe bien, l’autonomie est une demande forte de la part des Talents d’aujourd’hui ! Denis Pennel* résume bien les nouveaux enjeux du management actuel : selon lui, c’est un réel défi d’être manager aujourd’hui, tant chacun est en attente d’une prise en compte de sa singularité.

La demande qui émerge est en trois points :

· Besoin de liberté, d’autonomie : apporter du cadre au travail, oui, imposer un contrôle permanent, non !
· Recherche de sens, de plus en plus important dans un monde complexe et chahuté : besoin d’objectifs plus que de micro-tâches, de comprendre la finalité des actions, de s’approprier la mission
· Demande de maîtrise : contrôler l’organisation de son travail

Ce qui aide, concrètement :

Emmanuelle – Respecter les délais devient essentiel pour rassurer : il n’est pas nécessaire d’être présent en permanence pour respecter les délais !

La confiance ! C’est sans nul doute le socle indispensable à la mise en place d’un travail flexible, à temps partiel, ou à distance. Bonne nouvelle : ça se travaille !!
Que faire pour que mon équipe se sente en confiance, me fasse confiance ; et pour que de mon côté, j’accorde ma confiance sereinement ? Autant de questions structurantes et porteuses d’espoir : la confiance s’alimente, se travaille, se consolide, donc nous avons un rôle à jouer pour la favoriser.

travail flexible

Quelques pistes pour la nourrir, issues de notre expérience et d’échanges avec Céline Landry* *:

· Adapter son management aux personnes et aux tâches. Donner le juste niveau d’autonomie selon la maturité de chacun sur ses responsabilités, quitte à réévaluer régulièrement et faire évoluer les choses en fonction des montées en compétence. Pour ce faire, il est utile d’avoir en tête les 4 styles de management, pour construire au mieux un chemin vers l’autonomie :

· Directif – donner un sens, un objectif clair et des informations
· Explicatif – former
· Participatif – associer, mobiliser, faire participer à la réflexion
· Délégatif – responsabiliser à partir d’objectifs clairs. S’intéresser et valoriser

Guillaume – Directeur d’un cabinet de conseil – Il faut que les choses soient très claires en termes de responsabilités. Au lieu de demander : « est-ce que tu as fait ci et ça », je préfère la phrase : « est-ce que tu as le niveau d’information pour répondre au client/te charger de cette tâche ». Du coup, les personnes se sentent responsables.

· Mettre en place un cadre, des rituels… et lâcher prise ! Fixer des objectifs clairs et précis (SMART : Spécifique – Mesurable – Atteignable – Réalisable – Temps), à transmettre ou à fixer ensemble ; définir les modes de communication adaptés à chaque situation (urgence, lien, suivi de projets…)

Directrice financière à temps partiel, Gwenn constate que des équipes autonomes aspirent à un cadre et une direction (une fréquence de réunions, des échéances officielles…), mais que dans un contexte de méfiance et de reporting serré, les arrêts maladie sont nombreux, signe d’un mal-être.

· Communiquer avec justice et transparence. Etablir des feedbacks avec sincérité, reconnaître ses propres erreurs et assumer, que chacun puisse prendre la responsabilité de ses actes.
· Ne pas oublier la valorisation, le carburant de la confiance !
· S’appuyer sur des outils et choyer le lien. Les outils sont là pour dégager l’esprit, pour laisser de la place à la qualité du lien humain. Les « Comment te sens-tu ? »  « De quoi as-tu besoin ? », ou « Que puis-je faire ? » restent essentiels. Les périodes de confinement mettent cela en exergue de manière très claire. C’est une réalité en effet d’autant plus importante quand il y a absence, qu’elle soit liée à la distance ou au temps partiel.
travail flexible manager outilsPour s’assurer d’être dans la bonne voie pour favoriser la confiance, le joli et très adapté acronyme PACTE créé par Céline Landry est précieux :

· Professionnalisme – avoir le niveau d’expertise nécessaire aux responsabilités demandées
· Authenticité – de chacun des protagonistes
· Concrétisation – faire ce que l’on dit !
· Transparence – partage et accès aux informations nécessaires pour travailler
· Engagement – un but, une vision, un intérêt commun.

PACTE, c’est sur ce mot que je termine cette réflexion. Un mot qui fait penser aux notions de partenariat, de soutien, d’attention, je formule le vœu qu’en ces temps troubles, nos liens et nos solidarités en soient empreints.

Souhaitons aussi que des Talents à temps partiel puissent rendre profondément service à des entreprises contraintes de naviguer à vue et peut-être de revoir leur modèle, d’oser un pas de côté, de consolider des fondamentaux. Des expertises à la juste mesure des besoins !

Marie Oliveau – Fondatrice et Dirigeante de Talent sur Mesure, Cabinet de Recrutement, Accompagnement et Conseil RH spécialiste du travail flexible.

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*Denis Pennel – Directeur de la World Employment Confederation et auteur des livres Travail : la soif de liberté et Travailler pour Soi : Quel avenir pour le travail à l’heure de la révolution individualiste (Work : the Ego Revolution).

**Céline Landry – fondatrice et dirigeante d’ACCŒIL – Coach et formatrice en management, communication et relations humaines.